dimanche 15 janvier 2017

Ducharme en Caisse de 12 Chansons

Quand je vous ai écrit sur le 50 ans de la publication de L'Avalée des Avalés, en septembre dernier, je ne me doutais pas que je redémarrais le moteur de ma passion pour l'auteur reclus, mais magique et indispensable pour moi, qu'est Réjean Ducharme.

J'ai eu envie non seulement de relire ses livres que j'avais chez moi (4), mais aussi de posséder tous ceux que je n'avais pas de lui (il n'a écrit que 8 romans). J'ai aussi choisi de les relire dans l'ordre. L'Avalée des Avalés en premier (même si écrit en troisième). Puis, Le Nez Qui Voque. J'ai dévoré les deux en moins d'une semaine.
J'avais acheté Oceantume (écrit en premier, publié en troisième) que j'ai consommé assez rapidement aussi. Je me suis rongé les doigts en n'achetant pas tout de suite La Fille de Christophe Colomb, trouvé usagé en ville, que je ne retrouverais plus les semaines suivantes. Si bien que je passerais par dessus et plongerais de 1969 (année de publication, même si écrit en 1966) à 1973 et relirais mon préféré, celui qui me l'avait non seulement fait découvrir mais qui m'avait aussi fait écrire un film entier inspiré d'André et Nicole : "Billybob Brunswick & LollyPop Sekkle Contre Sillicon Valley", comédie volontairement idéaliste et naïve jamais tournée; L'Hiver de Force. J'ai encore plus savouré que les 4 autres fois que je l'avais lu. Tentant de trouver qui se cachait derrière les personnages et me félicitant d'avoir trouvé que certains passages avaient été écrits en avril 1972. Références sportives trop claires, là où Ducharme ne le serait jamais tellement sur lui-même.

Je me suis (re)tapé les deux films qu'il a scénarisé et ai lu deux de ses pièces de théâtre.

Ne lâchant pas prise, j'ai été acheté Va Savoir, usagé, que je n'avais pas, ni n'avait lu et ai poussé un cri devant le prix de Les Enfantômes (37,95$! et une jaquette pas jolie comme les peintures de Götting mais laide et nihilliste de Gallimard!). Une bibliothèque de Trois-Rivières a été suffisamment généreuse pour me prêter La Fille de Christophe Colomb sans frais, ce qui m'a énervé comme un bébé devant sa purée. Puisque c'était un prêt inter-cité, mon échéance était courte. Mais vu ma passion, ma consommation du livre fût tout aussi courte . L'ai roté trois jours après l'avoir eu. 'zont dû pensé qu'il m'était tombé des mains.
(non, dans le coeur, j'ai toujours l'auteur dans le coeur).

J'ai demandé Les Enfantômes à Noël et l'ai eu. 1966, 1967, 1968, 1969, 1973, Les Enfantômes est de 1976. La chronologie est respectée. Le lisant actuellement en mer, je peux respecter la chronologie de cet auteur qui me fait déjà voyager beaucoup autrement. Et qui me fait utiliser les mots valétudinaire et atrabilaire à l'égard de mes kids.

Réjean Ducharme est aussi auteur de textes de chansons. Malheureusement, je ne partage pas le même enthousiasme lorsqu'il est mis en musique. Souvent, c'est même la musique qui vient tricher mon enthousiasme.C'est peut-être le médium qui ne sied pas bien au verbe de Réjean.

Peu importe, du Ducharme mou, c'est encore bon pour celui habillé de passion.

Petit survol de 12 de ses signatures.

Manche de Pelle (1974)
Les Beach Boys, en 1967, avaient inspirés les Beatles en leur suggérant d'intégrer le plus de nom de lieux possible dans leurs morceaux, afin de se gagner non seulement leur attention, mais aussi l'estime. Avait alors suivi Back in the USSR.  Ducharme écrit ici pour le premier Garou une simple évocation de noms et prénoms Québécois, réels ou inventés, dans un total esprit de bottine, de Michelle Joly à Claudette Rémy. Sous le titre Manche de Pelle et avec la promesse que "C'est pas fini!" on peut deviner que la chanson serait chantée par quelqu'un creusant une tombe, un fossoyeur, nommant ses clients.

Je Suis Né (1981)
Quelle est la part de vérité dans ce morceau? Charlebois a bien eu 35 ans le jour de la St-Jean (enfin, le 25 juin...) et ce, deux ans avant la sortie de la chanson. Son père était-il vendeur d'Oldsmobile? Ducharme (et Charlebois) s'amusent avec le vrai et le faux en général de toute manière. Ce qui est véhiculé par l'un et par l'autre c'est le joual chanté. Avant 1970. année où Ducharme (et Charlebois) ont définitivement installé le joual en musique populaire, peu de Québécois avaient laissé une place à ce style de langage. Jean-Pierre Ferland en fera son plus grand deuil, voyant la popularité du style.

Limoilou (1971)
Bien avant Safia Nolin existait un morceau portant le nom du secteur de la basse-ville de Québec. Ducharme s'amuse un peu en allitération avec ce morceau, glisse plusieurs noms de ville, dont celle où je suis né (Victoriaville), et cède aux phrases anglo ici et là. Il termine le morceau avec une référence subtile à la vraie maison d'enfance de Charlebois, Grande-Allée, à Montréal-Nord.

Déménager ou rester Là (1972)
Le 1er juillet, au Québec, c'est pas la fête du Canada, dont on se soucie assez peu (et vice-versa), c'est la fête du déménagement. Ducharme, sur une musique (country) de Charlebois, font chanter Pauline Julien un hymne à cette journée folle. Dans les années 70, des enseignantes faisaient apprendre le morceaux à leur jeunes de 4ème année. J'emménageais (sur terre) sur le morceau puisque je naissais cette année là.

Le Violent Seul (S'chut Tanné) (1971)
Rythme et élocution rapide, le tandem Charlebois/Ducharme score big une première fois. En se plaignant dans un joual appelant à la petite révolte et à la résistance face à ce que la vie nous offre. Charlebois sacre (Hostie) dans le morceau, ce qui l'empêchera de jouer en grande rotation. Mais en spectacle, les gens l'adorent.

Fais-Toi Z'en Pas (1972)
La musique y est riche mais les inflexions vocales de Charlebois m'agacent. Il les répétera souvent dans sa carrière. Ducharme prône l'indulgence en utilisant des mots bien à nous comme écrapouti, prendre le métro pis descendre à Peel ou Laisser un tip.  Coin Ste-Catherine et Guy, j'ai bien connu, ayant étudié à Concordia deux ans . On y décèle aussi une passion de Ducharme, celle de marcher dans les rues et d'y ramasser des choses qu'il y trouve. Il en fera des oeuvres d'art d'objets recyclés qu'il exposera (sans s'exposer lui) sous le pseudonyme de Roch Plante. Ducharme fait encore dire à Robert Hostie.

Le Révolté (1973)
Charlebois est nettement meilleur musicien que chanteur. Ducharme raconte ici la vie d'un universitaire, habitué du Café Campus, du LSD et de Led Zeppelin. Évocation d'une Pauline avec lequel on se mettrait nu afin d'écouter de la musique en fumant du Mexican Gold. Pauline Julien? On ne saura jamais. Et peu importe. Rhytme tribal surpassant la trame vocale.

Insomnie (1973)
Tiens! Ducharme dort aussi mal que moi! Évocation de l'île si omniprésente dans les oeuvres littéraires de Ducharme. Je lisais encore récemment que les gens trop intelligents dorment mal puisque le cerveau peine à ne pas rester en ébullition. Pas surpris de savoir que Réjean Ducharme soit victime d'insomnie.

Daniella (2007)
Assurément ma (2ème) préférée de Ducharme. Le fils de Robert s'est fait offrir ce joli morceau où Réjean y parle d'abandon amoureux. Road love song. Avec même le tchou tchou du train (qu'on entend pas) et la fugue vers le fond du Canada (Vancouver) d'où on ne reviendra pas.

Mon Pays (1970)
Blues de Charlebois (père) à ses débuts. Clin d'oeil évident au Mon Pays de Gilles Vigneault. Ducharme y parle davantage de la manufacture et du style de vie que ça amène. La slot de la clock, un flat, les loafers, des pallettes de chocolat, watch moé- t'es mieux d'te r'mettre su'es track!. Autre morceau formidable par sa structure musicale, mais aussi parce que les mots viennent seconder les sons industriels entendus en fin de morceau. Fameux.

Je l'Savais (1977)
Musique croisée entre le country et la guitare hawaïenne. Autre succession de noms de chez nous. Y parle-t-on de la nature des relations entre Ducharme et Charlebois? Musiciens comme écrivains ne vivent jamais vraiment riches comme les autres. Leur vraie richesse se trouve ailleurs que dans leur portefeuille.

J'veux de l'Amour (1979)
Le titre expliquerait la seule et unique chose intéressant Ducharme selon Charlebois. Ma préférée de Ducharme. Charlebois y va aussi d'une excellente livraison du texte.

Merci Ducharme, même mort, tu vas durer.

On fera des trophoux des bons souvenirs que tu nous aura dévadé avec tes gros mots.

Tes mots me portent et me transportent.


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